L’Élysée sous le viseur des enquêteurs financiers
L’Élysée sous le viseur des enquêteurs financiers
En mai dernier, une enquête de Mediapart bouscule l’Élysée et son secrétaire général, Alexis Kohler. On y apprend que l’énarque est le cousin du fondateur de l’armateur MSC, principal client des chantiers navals STX France. Or, Alexis Kohler siégeait au conseil d’administration de l’entreprise STX France de 2000 à 2012, où il représentait l’État, avant de devenir directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Économie, de 2012 à 2016. Il avait par la suite assuré, fin 2016, les fonctions de directeur financier au sein de l’entreprise privée MSC. Ces allers-retours du privé vers le public valent à Alexis Kohler le dépôt d’une plainte par l’association Anticor, puis l’ouverture d’une enquête par le parquet national financier le 6 juin dernier, pour trafic d’influence et conflit d’intérêts. Des perquisitions ont lieu le même jour au ministère de l’économie.
De son côté, Le Canard Enchaîné rapporte que la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a été placée sous le statut de témoin assisté dans le cadre de l’affaire « Business France ». L’ancienne directrice de l’agence publique de mise en relations d’entreprises a été interrogée en ce sens par les enquêteurs financiers au sujet de mails compromettants échangés avec le groupe publicitaire Havas. Ce dernier aurait été privilégié par Business France dans l’organisation de la soirée « French Tech » à Las Vegas, courant 2016, en présence du ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron. Havas se serait passé de la participation à un appel d’offres normalement prévue par la loi afin de bénéficier du contrat.
Cela fait près d’un an que le parquet financier a instruit ce dossier pour favoritisme et recel de favoritisme, dossier pour lequel la ministre semble aujourd’hui échapper à une mise en examen.
Cahuzac, Woerth ; les anciens ministres à la barre
Le 15 mai dernier, Jérôme Cahuzac écope de quatre ans de prison, dont deux avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 300 000 euros d’amende, pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. L’ancien ministre n’ira pourtant pas en prison. Le Monde nous explique pourquoi : si la peine peut paraître sévère, elle permet néanmoins à l’ancien ministre de bénéficier d’un aménagement pour les peines de prison ferme.
Mais c’est le sort d’un autre ancien ministre qui vient poser un nouveau débat à l’annonce de sa mise en examen le 29 mai dernier, celui d’Eric Woerth. L’actuel député de l’Oise (LR) et président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale fait en effet l’objet d’une enquête pour « complicité de financement illégal » de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, dont il était le trésorier. Bien que son maintien à ses fonctions actuelles ne soit pas menacé par la loi, le débat a tout lieu d’être, un an après l’amendement de la loi pour la moralisation de la vie politique. Le service Check News de Libération y consacre d’ailleurs un article le 31 mai dernier.
Élus locaux condamnés ; un maire recherché invité par l’Élysée
L’ex-député divers gauche Paul Giaccobi a été condamné par la Cour d’Appel de Bastia à trois ans de prison avec sursis, 5 ans d’inéligibilité et 25 000 euros d’amende pour détournement de fonds publics. Également mis en examen pour une affaire d’emplois fictifs en juin 2017, il est tenu responsable en appel du détournement de 480 000 euros de subventions au moyen d’un système clientéliste organisé par 22 personnes (condamnées en première instance) au conseil général de Haute-Corse. Il a toutefois décidé de se pourvoir en cassation.
C’est aussi Jacques Tissier, maire de Fongombault (Indre) depuis près de quarante ans, qui a été condamné à trois ans de prison, dont un avec sursis, pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics. Il écope également de plus de 20.000 euros d’amende, d’une interdiction d’occuper un métier de la fonction publique ainsi que de cinq ans d’inéligibilité, comme le rapporte la Nouvelle République .
Enfin la presse s’interroge sur la participation du maire de Saint-Laurent-du-Maroni, Léon Bertrand, à une cérémonie de l’Élysée consacrée au patrimoine, le 31 mai dernier. L’élu, condamné en 2017 à trois ans de prison ferme pour corruption, fait actuellement l’objet d’un « mandat de dépôt » l’empêchant normalement de circuler en métropole – sous peine de le voir interpellé par la police des frontières. C’est le Parisien qui révèle que le Parquet de Créteil aurait donné des consignes à la police afin de ne pas appréhender l’élu, pourtant inscrit au Fichier des personnes recherchées.